Joann Sfar avait 3 ans et demi quand sa mère est morte, en 1975. « Ta maman est partie en voyage », lui a-t-on alors annoncé, et ce déni fut pour lui fondateur. « Dès lors, j’ai su que les adultes étaient incapables d’affronter la cruauté du monde. Mon imaginaire est né de cette démission devant le réel », a-t-il raconté au Journal du dimanche. Depuis, Joann Sfar n’a cessé de faire face à cette cruauté, en ayant recours au cinéma et au roman, mais d’abord et surtout au dessin. En tant que dessinateur, il aime dire qu’il marche sur deux pieds, d’un côté, la fiction, de l’autre l’autobiographie. Chaque fois qu’il doit mettre des mots sur une épreuve de la vie (un divorce, la mort d’un proche…), il opte pour le carnet autobiographique. Au contraire, quand il s’agit de méditer tendrement sur l’existence, l’auteur du célèbre Chat du rabbin se tourne vers la BD de fiction. Avec, toujours, une même façon de considérer le dessin comme une méthode qui doit nous apprendre à jauger le réel, à regarder les choses telles qu’elles sont.